Régulièrement, je lis des conseils de sites qui parlent de l’écriture, d’auteurs qui partagent leurs expériences. C’est une occasion de questionner mes habitudes, de faire attention à des détails qui m’échappaient jusque là.
Il y a quelques jours, je découvrais ainsi une liste de conseils pour « une histoire réussie ». L’un d’entre eux expliquait ceci :
Ayez en tête votre lectorat. N’écrivez jamais pour vous, écrivez pour vos lecteurs.
Il s’avère que je ne suis pas d’accord. Venez, je vous explique mon point de vue…
En tant qu’autrice
Pourquoi écrire ?
C’est une belle question, ça. Pourquoi créons-nous ? Dans le cas des auteurs, pourquoi écrivons-nous ?
J’écris pour des tas de raisons. J’écris notamment parce que j’ai besoin de m’exprimer et que ce besoin est devenu vital. J’écris avec mes tripes et mon instinct. J’écris parce que ça me fait du bien. Ainsi, quand j’organise et mets sur le papier mes idées, je suis seule avec moi-même.
Je suis ma première lectrice
Après tout, qui va relire en premier mes nouvelles et mes romans ? C’est moi. Si ce que je rédige ne me plaît pas, je le supprime. Si mes brouillons ne tiennent pas la route, je les jette. Je l’ai fait avec une nouvelle au début du mois, je trouvais qu’elle était trop tirée par les cheveux, que je ne pouvais rien faire d’intéressant avec. Peut-être qu’elle correspondait à un lectorat. Tant pis.
Si je n’éprouve pas de plaisir, ma création perd de son intérêt à mes yeux.
J’ai déjà écrit une nouvelle à quelqu’un pour son anniversaire. C’est difficile : malgré toute mon affection pour cette personne, j’ai eu beaucoup de mal à terminer la rédaction. L’élan n’est pas le même quand on dédie entièrement une oeuvre à quelqu’un. J’ai trouvé que cela changeait énormément mon style d’écriture et j’ai été obsédée par l’idée de faire plaisir à la personne à qui j’écrivais. Au final, j’ai offert ce cadeau plus de trois mois en retard, en étant déçue de ce que j’avais écrit. D’autres personnes sont plus à l’aise avec cet exercice ! De mon côté, je sais que cela ne me convient pas.
Le lectorat, cette entité multiple
C’est bien joli d’écrire pour le lectorat, mais il me semble qu’un lectorat est constitué de gens divers et variés. S’il y avait une recette magique pour créer des livres qui plairaient à tout le monde, elle serait largement exploitée. Il n’y aurait pas de maisons d’édition ou de librairies spécialisées, puisque les goûts du Grand Lectorat auraient été ciblés et seraient nourris systématiquement.
Fort heureusement, nous nous permettons d’être un peu plus variés que cela, même au sein d’une grande famille de lecteurs (tous les lecteurs de fantastique ne vont pas apprécier les mêmes livres). Nous n’allons pas retenir les mêmes scènes, ni être touchés par les mêmes personnages.
Je ne me pose pas encore la question du lectorat pour ma trilogie. J’attends de la terminer, puis de sélectionner les maisons d’édition auxquelles elle se rattacherait le mieux. Pour l’instant, je prends du plaisir. C’est l’essentiel.
En tant que lectrice
Si je trouve la démarche de ne jamais écrire pour soi assez étrange en tant qu’autrice, elle me fait aussi grincer des dents en tant que lectrice. Cela fait écho aux réflexions précédentes, mais puisqu’on parle des envies du lectorat…
Nous sommes uniques
Vraiment, j’insiste.
Je n’aime pas les mêmes choses que mes proches. J’ai vu dernièrement une série que l’on m’avait encensée, presque à l’unanimité, et je n’ai pas compris en quoi elle était si merveilleuse. Je trouve cela sain. Nous voyons les oeuvres à travers un prisme personnel, fait de nos expériences et de nos sensibilités.
Nos goûts changent
C’est bien gentil d’écrire pour moi en tant qu’élément du lectorat, mais mes goûts changent. Fut un temps où je lisais beaucoup de romans historiques, aujourd’hui je préfère les romans d’anticipation. Du coup… comment les auteurs vont-ils réussir à écrire pour moi ? Il m’arrive aussi de relire un roman que j’avais adoré et de ne plus l’apprécier.
J’aime beaucoup découvrir des auteurs, recevoir des livres en cadeau. C’est à chaque fois une prise de risque, puisque je ne sais pas si cela va me plaire. Je préfère cette prise de risque à la possibilité de trouver un roman qui conviendra parfaitement à mon profil de lectrice, à coup sûr. Chaque livre est une rencontre : nous ne savons pas ce qu’elle nous réserve et elle perdrait en charme si elle était comme toutes les autres, si nous savions à quoi nous attendre.
Je ne veux pas lire des auteurs qui cherchent à savoir ce que j’ai en tête et qui modifient leur style pour plaire à cet être indéfinissable qu’on appelle « lectorat ». Je lis des livres sincères.
Vous aimez écrire pour les autres, cela vous inspire ? Allez-y franchement si c’est ce qu’il vous faut ! Personnellement, c’est seulement pendant mes corrections que je commence à songer que mes textes seront lus par d’autres personnes. En attendant, autant me faire plaisir !
Je dois être très égoïste, mais j’écris les histoires que j’aurais envie de lire… alors j’écris principalement pour moi ^^
Merci pour tes réflexions !
Merci pour ton commentaire !
Je fais comme toi, j’écris d’abord ce que j’aurais envie de lire. Et même ce que j’aurais eu besoin de lire il y a quelques années.
Je suis bien d’accord avec toi sur le fait qu’on doive écrire ce qu’on aime avant tout et ne pas penser forcément au lectorat qui attend à lire certains thèmes et histoires.
Par contre, je pense qu’on peut interpréter ce conseil d’une autre façon à savoir qu’on doit se mettre à la place du lecteur afin de rester compréhensif. Bien souvent quand je fais relire mes histoires, on me fait remarquer que certains comportements ou faits ne sont pas clairs ou expliqués trop vite. L’histoire est bien définie dans ma tête mais pas dans celles des gens, ces pauvres fous… et donc la remarque vient, que je dois écrire pour eux et pas que pour moi. C’est une façon biaisée d’interpréter ça bien sûr ^^ mais j’pense que c’est important de l’avoir en tête surtout au moment de la correction.
Petite anecdocte-racontage-de-vies : j’avais envoyé une fois une de mes nouvelles à un éditeur. Cette personne m’a répondu d’un mail personnalisé ce qui est fort aimable de sa part, mais hélas c’était pour me dire non. La raison étant que mes personnages avaient un comportement qui l’a tellement surpris, qu’il a arrêté en plein milieu se trouvant incapable de continuer. Ce n’était pas un problème de style ou de compréhension juste de goût personnel. Changer l’histoire pour lui plaire n’aurait eu aucun sens, et ça m’a juste convaincu de continuer à écrire des thèmes qui me plaisent x)
Enfin voilà, toujours sympa tes articles, j’ai hâte d’en lire plus !
Effectivement, on peut interpréter le conseil autrement ! J’ai lu une traduction de la liste, peut-être qu’elle n’a pas rendu justice à l’intention de l’auteur.
Les goûts personnels jouent beaucoup. Il m’est arrivé une anecdote du même genre : un de mes textes a été refusé parce qu’il n’était « pas assez gore ». Bon, tant pis ! J’ai pensé comme toi : il ne correspondait pas aux goûts de la maison d’édition. Mais j’étais contente de l’avoir écrit quand même.
Merci pour tes encouragements !