Si vous me suivez sur les réseaux sociaux, vous avez peut-être vu passer cet article très intéressant de Neil Jomunsi : « Pourquoi les écrivains indépendants sont-ils considérés comme des losers ? »
Après la publication de cet article, il y a eu quelques échanges tout aussi intéressants sur l’apport d’internet aux écrivains (oui, nous nous sommes un peu éloignés du sujet initial). J’y ai réagi mais je souhaitais prendre un peu plus de place pour parler de mon expérience. Rien de tel qu’un petit article inopiné pour cela !
Tout d’abord, voici trois tweets de Val d’Ex Retis qui m’ont fait réagir :
« Je lis beaucoup de manuscrits de qualité parce que les jeunes auteurs s’entraident. » Mais tellement !
— Val (@ValMuetdhiver) 31 Mars 2015
Quand jpense au nombre de personnes à qui j’ai demandé des avis, des précisions, des données pour écrire. Des gens que jconnais même pas.
— Val (@ValMuetdhiver) 31 Mars 2015
J’ai l’impression que quand j’écris je joue aux Lego. Mais en vrai on nage tous dans une grande caisse de Lego et on se passe les pièces
— Val (@ValMuetdhiver) 31 Mars 2015
Qu’on se le dise, je suis entièrement d’accord avec lui.
Au commencement, il n’y avait pas internet
Je fais partie de cette génération qui a vu internet arriver dans les foyers à son adolescence. Je suis de ceux qui ont attendu qu’un membre de la famille raccroche le téléphone pour pouvoir accéder à un site, qui allait se faire chauffer un thé en attendant qu’une page s’affiche (mon intérêt pour le thé date un peu).
J’ai eu plusieurs blogs, j’ai débuté le jeu de rôle sur des forums. Pour moi, c’était magique. Alors que je subissais le harcèlement scolaire depuis plusieurs années, j’ai pu discuter avec des gens, sortir de ma solitude. Aujourd’hui, je peux dire que j’ai rencontré tous mes amis grâce à internet.
C’est durant un cours de Français au collège que je me suis rendue compte que j’aimais écrire. J’ai découvert internet quelques mois plus tard.
Des outils pour mieux créer
Quand j’ai commencé à écrire, je n’avais pas accès à internet. A partir du moment où j’ai commencé à lire des blogs, des conseils, à discuter avec d’autres écrivains de nos expériences, j’ai fait d’énormes progrès.
Nous avons accès à une immense source de savoir et nous avons des moyens de communiquer qui n’existaient pas auparavant. Bien sûr, il faut apprendre à trier, à garder ce qui nous intéresse, à prendre de la distance. J’ai mis un moment avant de me servir de cet outil pour écrire. Aujourd’hui, je discute avec plein de gens qui créent : des gens qui ont été publiés par des éditeurs, d’autres qui veulent demeurer indépendants, d’autres encore qui ne veulent pas montrer ce qu’ils écrivent.
Nous avons les moyens d’échanger, de nous sensibiliser, de nous conseiller. C’est très important et j’aime cette dynamique. J’aime quand on s’amuse de nos erreurs, de nos difficultés, quand nous suggérons des exercices d’écriture tirés par les cheveux. J’aime savoir que si j’ai un doute sur un sujet, je peux demander de l’aide. Je ne suis pas seule.
J’ai l’impression que nous parvenons à nous tirer vers le haut.
Je lis beaucoup de manuscrits de qualité (l’originalité c’est autre chose, parfois là que le bât blesse) parce que les jeunes auteurs s’entraident, qu’ils discutent dans les forums, se corrigent les uns les autres, apprennent de leurs erreurs, donc oui, mécaniquement, il y a de plus en plus de meilleurs manuscrits, c’est mathématique et on n’y peut rien.
Echanger pour mieux créer
Je vais vous avouer quelque chose : quand j’ai créé ce blog, je voulais une place où échanger avec mes lecteurs. Au fur et à mesure de mes articles, j’ai remarqué que je parlais surtout avec des auteurs.
Je me suis d’abord demandé ce qui n’allait pas : où étaient les lecteurs ? Quelle étrange dichotomie que voilà ! Comme s’il y avait deux cases bien distinctes ! Pourtant, vu le nombre de livres que je lis, je devais bien savoir qu’on peut écrire et lire (d’ailleurs, il vaut mieux lire quand on veut écrire) !
Je pense que cette première idée venait de ce qu’on m’avait dit et redit : pour être édité, il faut être meilleur que les autres. L’écriture m’a été présentée comme une énième compétition, où pour réussir il valait mieux garder ses astuces pour soi. Depuis, j’ai réalisé que cette idée me bloquait.
Tout comme j’arrive mieux à faire du sport s’il n’y a pas de notion de compétition, je trouve l’écriture plus agréable en me disant que mes amis écrivent aussi. J’ai été très fière quand ma cousine est venue me voir pour me dire qu’elle avait commencé à écrire, à l’âge auquel j’avais rédigé mes premiers chapitres. Je sais qu’elle lit ce blog et c’est un grand plaisir pour moi de lui donner des pistes et des conseils. Tout comme j’adore voir vos réactions après mes articles.
N’importe qui peut s’asseoir devant un écran ou ouvrir un carnet avec l’intention de rédiger une histoire. Tant mieux. L’écriture a suivi un même élan de démocratisation que la musique ou le cinéma : des personnes qui autrefois n’avaient pas les outils nécessaires pour créer peuvent suivre leur élan créatif et trouver un public. J’ai hâte, vraiment, que cette démocratisation continue.
Quand j’étais sur les bancs de la fac de Lettres, je me demandais ce qu’étaient devenus les salons littéraires. Ils sont sur internet : nous débattons, nous nous corrigeons, nous nous invitons à réfléchir, nous nous encourageons, nous nous donnons des défis comme le NaNoWriMo. Je suis très heureuse d’ouvrir régulièrement la porte de mon petit salon littéraire, très heureuse de vous y voir, que vous passiez par curiosité, pour lire mes récits ou pour réutiliser mes outils. Ou, plus vraisemblablement, pour tout ça en même temps.
Une grande source d’information
En plus de l’échange, internet permet d’accéder à beaucoup d’informations.
Besoin de détails sur un pays ? De prénoms pour des personnages ? D’informations sur une maladie ou sur des blessures ? Aujourd’hui, cela paraît tellement évident de pouvoir régler ces soucis en quelques clics.
J’échange aussi avec des gens qui luttent pour leurs droits, pour des sujets que je n’imaginais même pas il y a quinze ans de cela. Je lis des témoignages et cela m’inspire, me sensibilise.
Cela m’amuse toujours d’entendre dire qu’internet empêche les gens d’imaginer. Si vous saviez toutes les sources d’inspirations qui s’y trouvent, les histoires que l’on n’aurait jamais lues, les photos de pays où l’on n’ira peut-être jamais, les études sur la gestion de l’espace commun dans les villes (oui, je m’inspire de ce que je veux) et les petits chatons qui jouent quand on ne trouve pas d’inspiration.
Bien sûr, il y a de plus en plus d’auteurs, de plus en plus de créations. Ce serait dommage d’en avoir peur ! Cela amènera de plus en plus de belles rencontres et de lectures plaisantes.
Crédit photo : la photo de couverture s’appelle « Catscape Navigator » et est de wabisabi2015 sur Flickr.