Quand je discute avec des gens qui écrivent, une question revient souvent : « Et toi, tu fais des fiches de personnages ? » Elle est souvent accompagnée de : « Comment tu les organises ? » (vous vous douterez donc que la réponse à la première question est positive).
Aujourd’hui, je vais vous décrire cette partie importante de mon travail d’écriture. Je me suis longtemps demandé si cet article serait pertinent : à chaque roman, je modifie la construction de mes fiches. Elles ont tendance à être de plus en plus longues. Peut-être que je relirai ce billet dans deux ans en me disant que mon travail n’était vraiment pas abouti. Tant pis. Au moins, ça me fera rire (j’ai grand espoir en ma capacité d’auto-dérision de dans deux ans).
Dans ce billet, j’utiliserai le neutre pour parler d’un·e personnage. Pour les personnes qui ne seraient pas habituées à lire cela (ce sont des orthographes peu courantes) :
iel est le neutre pour il/elle
un·e est l’équivalent pour un(e) mais sans mettre un genre entre parenthèses
lae est le neutre pour la/le
Si les réflexions sur le neutre vous intéressent, voici un chouette article.
Pourquoi faire des fiches de personnages ?
J’ai commencé à écrire des romans quand je débutais sur les jeux vidéo et sur les jeux de rôles par forum (qui se rapprochent, pour ceux auxquels j’ai participé, davantage de l’écriture à plusieurs). Dans le jeu de rôle par forum, il était généralement obligatoire de présenter son personnage avant de jouer, d’en décrire le physique, le caractère, et de lae situer dans le contexte du jeu. Si les jeux vidéo sont moins prolixes sur le sujet, ils peuvent présenter un résumé des compétences et des caractéristiques des héros.
Je me suis mise plus tard au jeu de rôle sur table, où la fiche de personnage est d’autant plus importante qu’elle recoupe les compétences autant que les caractéristiques physiques et psychologiques. Si cela ne m’influençait pas au début, je pense aujourd’hui que mes fiches de personnages de romans sont assez proches de celles de jeux de rôle… avec quelques différences, bien sûr, mais je pense que je n’aurais pas beaucoup de difficulté à les transcrire sur le modèle de fiches de jeux.
Habituée à garder des traces et des informations utiles sur mes personnages de jeux, j’ai découvert que c’était tout aussi important, voire indispensable, pour rédiger un récit. Ces fiches me permettent de noter les informations et, en un bref regard, de les retrouver. J’ai un doute sur l’âge, la couleur des yeux, la taille d’un·e de mes protagonistes ? Je sais où chercher.
Cela demande un peu d’organisation mais c’est un grand gain de temps. La création de fiche permet notamment d’éclaircir les idées et de noter des pistes. C’est un outil pour débuter l’histoire.
Mais tout ceci, c’est pour la base de la fiche. Les miennes sont mises à jour régulièrement durant le récit, parce que l’histoire fait évoluer lae personnage.
Organisation d’une fiche de personnage
Maintenant que vous voyez un peu l’utilité de ces fiches, je vais vous décrire ce que je mets dans les miennes. Cependant, sachez qu’elles se modifient selon l’histoire qui est racontée. Par exemple, imaginons que je raconte une histoire avec des petits sorciers qui vont dans une école et qui combattent les forces du mal. Je noterais les sortilèges qu’ils maîtrisent, ceux qu’ils préfèrent utiliser, ceux qu’ils pourraient lancer en cas d’extrême nécessité parce qu’ils les dégoûtent ou les révoltent. Supposons alors que je rédige un roman historique sur la Révolution Française. L’encart sur les sortilèges n’aurait aucune utilité.
Mes fiches sont assez longues comme ça pour ne pas y ajouter des informations sans importance !
Informations générales
Je commence toujours mes fiches par un résumé rapide de ce qui définit lae personnage.
- Le prénom
- Le nom
- Le surnom, peut-être qu’iel est davantage nommé·e par son surnom
- L’âge, avec si nécessaire l’âge qu’iel semble avoir. On ne sait jamais avec les immortels ou avec les gens qui vivent plus (ou moins) longtemps que nous
- Le métier, le rôle dans la société
- L’appartenance à un groupe, à une civilisation, à une communauté, ses opinions politiques, voire même sa religion
Tout ceci me permet déjà de commencer à lae placer dans la société.
Identité de genre et sexualité
C’est une partie importante de l’identité de quelqu’un·e.
- Le genre… et j’en profite pour noter si iel est cisgenre, trans ?
- Le·s genre·s qui l’attire·nt (s’iel est attiré par des genres, mais iel peut être asexuel·le, aromantique et toutes les nuances du rapport à la sexualité…)
- Si je pense qu’il y aura une romance et qu’elle aura son importance dans le récit : ce qui l’attire chez quelqu’un·e
Caractère et motivations
Cela devient de plus en plus précis ! Il est désormais temps de définir sa personnalité :
- Le caractère, en notant bien les qualités et les défauts
- Ses objectifs à moyen et long termes, ses rêves, ses envies
- Ses peurs, ses phobies
- Ce qui lae rend fièr·e
- Ses regrets et ses remords
A partir d’ici, on peut avoir des idées de conflits et d’obstacles qu’iel peut tenter de surmonter, tout comme des idées de scènes qui l’aideront à reprendre son souffle.
Apparence physique
Je ne suis pas très physionomiste. C’est donc une partie de la fiche que j’ai du mal à remplir.
Si comme moi, vous avez un peu de mal à imaginer des physiques de gens, je vous conseille d’aller sur des blog de body positivity comme Stop Hating Your Body (en plus de faire du bien, cela montre plein de gens différents, donc cela nourrit l’imagination… si vous avez d’autres adresses je suis preneuse). Je vais aussi beaucoup sur des sites où les gens photographient des personnes rencontrées dans le métro ou dans la rue. En ce moment, Humans of New York est mon préféré.
Je vous invite aussi à regarder autour de vous, vos proches comme les gens que vous croisez dehors. Un détail dans l’apparence physique, dans la façon de bouger, dans la voix, tout peut être une source d’inspiration. Par exemple, lors d’un de mes nombreux trajets dans le métro, je vois un homme rentrer dans la rame avec une femme. Ils parlent assez fort pour capter mon attention. Elle est intriguée par un long poil qu’il a sur un grain de beauté au-dessus de ses sourcils et lui demande si il veut qu’elle lui enlève. Il refuse, parce que ce long poil est son poil porte-bonheur, que quand ça ne va pas, il le touche et il a l’impression d’aller tout de suite mieux. Je n’ai pas (encore ?) utilisé le poil porte-bonheur mais j’ai trouvé cette scène très inspirante.
Mais revenons à nos moutons et voici ce que je mets dans l’apparence physique :
- La description du physique la plus objective possible, comme s’iel était nu·e
- Les parties de son corps dont iel est fièr·e
- Les parties de son corps qui sont sources de complexes pour iel… et c’est très parlant s’il y en a plus (ou moins) que dans le point précédent ! Cela ne sera pas forcément utilisé, mais vous répondez à une question sous-entendue : est-ce qu’iel aime son corps ?
- Ses tics, manières, gestes inconscients. Ce sont des choses qui pourront vous aider pour les dialogues, notamment. Est-ce qu’iel va se mordre la lèvre quand on lui pose une question difficile ? Est-ce qu’iel fait les cent pas ou qu’iel se lisser le sourcil quand iel réfléchit ?
- La façon dont iel s’habille, ses vêtements préférés
Il m’arrive souvent de préparer des dossiers de photos, voire même de dessiner ou de commander des dessins des personnages pour compléter ma fiche.
Compétences et savoirs
Un·e personnage a toujours quelque chose à apporter.
- Ses compétences peuvent être très longues à décrire, allant de sa capacité à conduire, à faire de la couture, à dessiner, à se battre… Comme ce point peut être long à remplir, j’essaye de conserver ce qui peut être important pour décrire lae personnage et/ou pour le récit
- Les sujets qui lae passionnent
- A l’inverse, les sujets qui lae désintéressent
Contexte
La dernière partie de la fiche peut être assez longue à remplir. Elle se coupe généralement en trois parties :
- Son histoire avant le début du récit, pour permettre de lae situer au mieux. Il ne faut pas être avare en détails, en anecdotes, car ce sont des choses qui modifient l’expérience d’un·e personnage, qu’iel peut raconter, ou qui aideront à justifier certaines de ses réactions
- Son histoire durant le récit, soit chaque élément important qui vont lae marquer dans la nouvelle ou le roman. Iel est blessé·e ? Notez-le (je marque aussi dans quel chapitre, voire à quelle page pour être bien certaine de retrouver l’information). Pareil si un événement lae choque, si une personne lae trouble, s’iel fait une découverte importante… Ce point se remplira au fur et à mesure de votre construction de l’histoire et vous permettra de mieux situer son avancée
- Ses liens avec les autres personnages. Et, si nécessaire, leurs évolutions. C’est l’occasion de répondre à une dernière question pour situer lae personnage : quelle est son opinion sur les autres ? On a toujours des affinités avec certaines personnes, ou à l’inverse on peut ressentir de l’antipathie. Et ce sont des choses qui peuvent changer avec le temps. Vous pouvez perdre de vue ou vous fâcher avec un·e ami·e très proche, vous découvrir une attirance pour quelqu’un·e pour qui vous aviez des préjugés plutôt négatifs
La fiche de personnage, rien que pour vous
Il m’a été suggéré de vous préparer une version PDF de cette fiche. C’était une très bonne idée ! Il vous suffit de cliquer dessus pour la télécharger :
Fiche de personnage
Amusez-vous bien !
ET APRÈS AVOIR REMPLI TOUTE CETTE FICHE, QUE FAIRE ?
Après tout ça, vous méritez bien des félicitations et une petite promenade pour vous aérer l’esprit.
A la fin de cet article, vous vous doutez certainement que mes personnages sont très importants pour moi. Vous pouvez penser que c’est trop de travail pour pas grand chose et vous inspirer de cette fiche, vous la réapproprier. Cette fiche, telle que je vous la décris, m’aide. C’est tout ce que je lui demande ! Je dois quand même vous avouer que mes fiches sont moins abouties quand il s’agit de personnages secondaires.
Je suis curieuse de savoir s’il y a d’autres éléments auxquels je ne pense pas, mais que vous mettez dans vos fiches de personnages !
Crédits photos : Les gens dans le parc ont été trouvés sur Boss Fight. La femme dans la librairie est de Klaye Morrison. Le monsieur avec son volant et la dame qui joue de la guitare sont des photos de Lechon Kirb.
Chouette article !
Je m’interroge encore sur la façon dont tu construis le caractère de tes personnages : as-tu des listes-références de traits de caractères, de qualités, de défauts ?
Merci !
Pour répondre à ta question, je n’ai aucune liste. Je m’inspire de ce que je vois autour de moi, ou je travaille sur mes propres sentiments quand j’arrive à mettre des mots dessus (fichue impression de ne rien ressentir). Je lis beaucoup de témoignages de gens sur tout et n’importe quoi, aussi. Lire comment ils s’expriment, quels sont les choses qui les rendent heureux ou celles qui les révoltent, ça m’aide à mieux comprendre.
Et comme j’aime beaucoup écouter les gens me parler, j’y puise aussi de l’inspiration 🙂
Pour chacun de mes personnages principaux (et parfois, les secondaires), j’attribue une musique qui sert de thème, et avec laquelle j’écris les premières apparitions, dialogues, ou que j’utilise pour me remettre dans le bain après une pause.
C’est une bonne idée ! Généralement je fais des playlists selon les ambiances. Mais ça n’aide pas vraiment à reprendre un personnage.
Je n’organise pas forcément exactement comme ça mes fiches de personnages mais il y a à peu près les mêmes informations dedans.
C’est rigolo de voir qu’on n’a pas les mêmes difficultés : j’arrive facilement à me représenter physiquement mes personnages (ce qui est d’ailleurs une source d’agacement parce que je dois me contenir pour ne pas faire huit pages de description lors de leur première apparition 😀 ), par contre j’ai plus de mal à cerner les caractères/motivations (voire les compétences) au début. J’ai tendance à faire d’abord la partie « contexte » pour pouvoir ensuite remplir les caractères/motivations/compétences (je trouve que brusquement ça va de soi une fois qu’on connaît leur histoire familiale, quels enseignements ils ont suivi, qui ils côtoient, comment ils ont rencontré untel et comment cela a influé sur eux, quels épreuves/réussites/échecs ont ponctué leur vie avant le début du récit…).
En plus des motivations/objectifs, j’ajoute les convictions. Après tout, deux personnages peuvent avoir les mêmes motivations sans avoir exactement les mêmes convictions, ou l’inverse, du coup ça me paraît parfois pertinent de faire une distinction entre les deux. Sans parler des personnages qui ont des convictions mais n’agissent pas dessus…
Ah oui, c’est marrant de voir qu’on ne fonctionne pas de la même manière !
C’est une bonne idée pour les convictions :).
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